La mauvaise image...
Une mauvaise image est celle qui dit «femme» et montre une femme, qui dit «pierre» et montre une pierre, qui privilégie les informations commerciales au lieu de créer des énigmes. Une mauvaise image, c’est une image qui ne fait pas réfléchir et qu’on oublie en deux secondes. Les bonnes, ce sont celles qui restent dans la tête. Prenez un thème comme l’eau, l’énergie, si vous ne réfléchissez pas, vous mettrez une goutte d’eau et vous serez le roi des cons. Montrer sans montrer, voilà mon travail.
Ma première question est de savoir qui va regarder mon image. Ma galerie, c’est la rue. Je ne pense pas en œuvre, ni en artiste, je pense à ma mission : faire des images pour les gens qui se baladent dans la rue, à qui j’espère donner un peu de poésie, d’intelligence. Je suis spécialisé dans le codage des images. Je les code pour qu’elles soient décodées. Le cerveau est le cœur du créateur. Le cerveau parce qu’il fait un travail sur le sujet, et le cœur parce qu’il doit y mettre son âme. L’affiche, c’est beaucoup d’émotions. Je réalise en ce moment une affiche pour un contrebassiste : j’ai passé des heures à l’écouter, à le voir jouer, à discuter avec lui. Dans les agences de communication, c’est impensable : elles reçoivent un mail, une commande donc, et l’image doit arriver au plus vite parce que le temps compte. Moi, je ne compte pas le temps, mon travail est tantôt celui d’un journaliste, tantôt celui d’un psychanalyste. Je trace des pistes, ensuite des esquisses que je présente. Enfin, je fais une image.
Entrevue de l’affichiste Michal Batory par Libération la suite...
Chen Jiagang / the great third front 15 (2008)